Intervention de Abbas Aroua

Intervention de Abbas Aroua

IBH, Geneva 2004

Mesdames et Messieurs les honorables représentants des ONGs humanitaires et de bienfaisance,
Chers Amis,
Que la paix soit avec vous.

Soyez les bienvenus et que votre séjour à Genève soit agréable.

L’action humanitaire désintéressée est la manifestation éloquente, sur le terrain, de l’esprit de solidarité. Cette valeur universelle si fondamentale dans la vie des êtres humains. Cette valeur commune que partagent les hommes et les femmes quelles que soient leurs confession religieuse, tendance spirituelle, école philosophique, orientation idéologique ou couleur politique.

Manifester l’esprit de solidarité est d’abord un devoir individuel et collectif.

Il est dicté par des considérations purement éthiques, reflétant la conscience de l’être humain de la nécessité de bien traiter les autres êtres humains et de leur être utile.

Il traduit un sens très pragmatique, car la solidarité constitue un garant de la survie de la famille humaine.

Il répond à des injonctions éminemment religieuses, car c’est le moyen de plaire à Dieu en se mettant au service de ses créatures.

Si le terme d’action humanitaire est relativement récent, personne ne conteste son soubassement religieux qui ne date pas d’hier.

Aimer le prochain, aider la veuve, l’orphelin et l’étranger, secourir les victimes des catastrophes et des conflits, assister le malade et le démuni, protéger le faible, sont des commandements divins, et des qualités humaines qui découlent d’un attribut de Dieu le Miséricordieux : Rahamana en araméen – langue de Jesus que la paix soit sur lui – Ar-Rahmane en arabe.

Les notions hébraïques de hesed (bienfaisance) (ihsan en arabe), zakhot (aumône obligatoire) (zakat en arabe) et tsedaqah (sadaqa en arabe) sont ancrées dans la tradition judaïque qui considère, selon Hermann Cohen, que « la co-relation entre l’homme et Dieu se constitue à travers celle qui lie l’homme à l’homme. »

La tsedaqah, qui a une racine dans la langue araméenne, souvent traduite par charité, signifie justice et suggère un droit pour celui qui la reçoit. La tsedaqah est donc plus une œuvre de justice qu’un acte de générosité ; elle ôte à l’acte de bienfaisance toute connotation condescendante.

Dans le christianisme, le mot charité, traduction du mot grec agapè et du latin caritas, désigne une vertu christique : l’amour spirituel et divin. En 1979, le Pape Jean-Paul II, dans sa première encyclique Redemptor hominis, rappelait qu’ « une relation vraie avec Dieu exige un engagement ferme au service du prochain ». Il est dit aussi que « la charité n’est pas seulement une vertu théologale, comme la foi et l’espérance, elle est aussi la vertu fondamentale, l’âme des autres vertus ».

En Islam, le Coran, d’abord, lorsqu’il évoque des gens du Livre, confirme les qualités de cette « communauté droite qui, aux heures de la nuit, récite les versets de Dieu en se prosternant. Ils croient en Dieu et au Jour dernier, ordonnent le convenable, interdisent le blâmable et concourent aux bonnes œuvres. » (Coran, 3 :113-114)

Dans la tradition islamique, al-ihsane, la bienfaisance, est une qualité des croyants décrits dans le Coran comme ceux qui : « se précipitent vers les bonnes actions et sont les premiers à les accomplir. » (Coran, 23 :61) Al-ihsane est un état placé au dessus de la soumission à Dieu (al-islam) et même au dessus de la foi (al-imane). Les termes « bienfaisance » et « bienfaisants » apparaissent plus de soixante-dix fois dans le Coran. L’Islam confirme aussi que le plus proche de Dieu est celui qui est le plus utile à ses créatures.

Parmi les voix de la bienfaisance on compte notamment la zakat (aumône obligatoire) liée à la notion de tazqiah (acte de purification) et la sadaqah (aumône non obligatoire), liée à la notion de sidq : c’est-à-dire sincérité, authenticité, désintéressement.

Il est d’ailleurs intéressant de noter les significations différentes des termes hébreu tsedaqah et arabe sadaqah, qui ont la même racine sémite, et de relever le lien révélé entre la notion de justice, garant de la pérennité de toute entreprise humaine, et celle de sincérité, condition de succès de toute œuvre humaine.

Mais si manifester l’esprit de solidarité est un devoir, il est aussi un droit pour tous.

Nul n’a le monopole, ni la capacité, d’assumer seul d’action humanitaire et de bienfaisance. Ni Etat ni agence intergouvernementale, ni organisation non gouvernementale.

C’est le champ de compétition et de la complémentarité par excellence.

Et, pour reprendre les termes de l’auteur britannique George Orwell, de même que l’information ne peut être gérée par un ministère de la Vérité mais par des médias libres, et que les sentiments humains ne peuvent être décrétés par un ministère de l’Amour, mais sont le fruit de liens libres entre eux, il serait absurde de croire que l’action humanitaire peut être gérée par un ministère de la Bienfaisance.

Par ailleurs, nul n’a le droit de détourner le sens de l’action humanitaire, pour des besoins lucratifs ou politiques.

Or, que constatons-nous aujourd’hui à travers le monde ?

La combinaison du militaire et de l’alibi humanitaire, l’instrumentalisation politicienne de l’humanitaire, et le déni du droit à l’action humanitaire à des individus et des organisations de bienfaisance.

Dans tel pays on interdit l’action humanitaire à toute institution non agréée par le pouvoir de peur que cela contribue à promouvoir l’image de l’opposition. Dans tel autre pays on le fait sous des pressions extérieures prétextant de l’impératif très à la mode de « lutte anti-terroriste ». Et on préfère souvent laisser les victimes des guerres, et les sinistrés des tremblements de terre et d’inondations à leur triste sort. L’Etat, souvent au fonctionnement médiocre, est incapable de se substituer à l’action humanitaire de la société civile.

Mais il y a plus grave encore. Les activistes dans le domaine de l’humanitaire qui ne se plient pas à la volonté des régimes s’exposent à tous les dangers. Ils sont persécutés, arrêtés, détenus et menacés des pires exactions.

Ceci est inacceptable. La communauté humaine tout entière doit réagir à cette abomination. Et une solidarité entre les individus et les ONG humanitaires doit vite se mettre en place, notamment entre celles du Nord et celles du Sud, celles de l’Orient et celles de l’Occident, pour faire face à cette situation critique.

Mesdames et Messieurs,

Vous ne trouverez pas meilleur endroit pour lancer et promouvoir ce réseau de solidarité entre ONG humanitaires et de bienfaisance que Genève.

Genève est la cité de la Paix et des droits de l’homme comme en témoignent la présence sur son sol des nombreuses organisations internationales et non gouvernementales oeuvrant pour la protection de la dignité et des droits de la personne humaine et la promotion de la paix.

Genève est aussi, et surtout, la capitale de l’humanitaire, et ce depuis l’œuvre d’Henry Dunant qui a, durant la deuxième moitié du XIXème siècle, jeté les bases de l’action humanitaire moderne.

Le Comité international de la Croix-Rouge, la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés, les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, ainsi que l’ensemble des dispositions du droit international humanitaire, sont des symboles d’espérance pour les femmes et les hommes en détresse.

Nous souhaitons donc plein succès à cette conférence qui sera certainement le lieu de débats enrichissants et débouchera sur des résolutions utiles pour établir des moyens et des mécanismes efficaces pour la protection de toutes celles et de tous ceux qui ont dédié leur vie à la noble action humanitaire.

Pour terminer, permettez-moi de saisir cette occasion pour proposer à votre honorable audience d’avoir en mémoire, tout au long de cette conférence, tous les persécutés du monde, notamment ceux qui oeuvrent dans l’humanitaire et qui sont détenus dans les geôles de l’injustice dans les pays de non droit, et d’avoir une pensée toute particulière à nos sœurs italiennes, Simona Toretta et Simona Pari, enlevées en Irak.

Merci de votre attention.

مداخلة الدكتور عباس عروة

أيها السادة والسيدات الأفاضل ممثلو منظمات العمل الإنساني والخيري،
أيها الأصدقاء،
السلام عليكم ورحمة الله وبركاته،
مرحبا بكم ونتمنى لكم إقامة طيبة في جينيف.

إنّ العمل الإنساني النزيه من أهم تجليات روح التضامن على أرض الواقع. التضامن الذي يُعتبر قيمة كونية أساسية في حياة البشر، قيمة يشترك فيها الرجال والنساء مهما كانت ديانتهم أو توجههم الروحي أو مدرستهم الفلسفية أو عقيدتهم الأيديولوجية أو لونهم السياسي.

وإنّ ترجمة روح التضامن على أرض الواقع هي قبل كل شيء واجب فردي وجماعي.

فهذا الواجب نابع من اعتبارات أخلاقية لها صلة بوعي الإنسان بضرورة حسن معاملة باقي البشر ونفعهم. كما أنه يترجم حسّا براغماتيا، لأنّ التضامن ضمان لبقاء البشرية. وهو يستجيب أيضا لوازع ديني لأنّ رضا الله يتم عبر خدمة مخلوقاته.

وإن كان لفظ “العمل الإنساني” حديثا نسبيا فإنه لا أحد يشكك في أصوله الدينية.

إنّ حب ذوي القربى، ومساعدة الأرملة واليتيم وعابر السبيل، ونجدة ضحايا الكوارث والنزاعات، والعناية بالمريض والمحتاج، وحماية الضعيف، كلها من الواجبات التي تحث عليها كافة الديانات وهي صفات بشرية صادرة عن صفة الرحمة الإلهية: “راحامانا” بالآرامية لغة المسيح عيسى عليه السلام، “الرحمن” بالعربية لغة القرآن الكريم.

إنّ المصطلحات العبرية “حسد” (الإحسان) و”زاخوت” (الزكاة) و”تسدقة” (صدقة) مؤصلة في التقاليد اليهودية التي تعتبر أنّ “العلاقة بين الإنسان والله ترتكز على العلاقة التي تربط الإنسان بإخيه الإنسان” على حد تعبير هرمان كوهين. إنّ كلمة “تسدقة” العبرية التي لها أصل في اللغة الآرامية تعني العدل وتشير إلى حق المستفيد من الصدقة فيها، وتُعتبر الصدقة بهذا المفهوم سبيلا لإقامة العدل وليس وجها من أوجه الكرم، كما تنزع عن عمل الإحسان كل أشكال المنّ المذموم الذي قد يصاحبه.

وفي الديانة النصرانية يشير مفهوم البِرّ، “شاريتي” (ترجمة للإغريقية “أقابي” واللاتنية “كاريتاس”) إلى فضيلة مسيحية: المحبة الروحية والإلهية. وقد ذكر البابا يوحنا بولس الثاني سنة 1979 في منشوره الأول “Redemptor hominis” بأنّ “العلاقة الحقة مع الله تتطلب التزاما شديدا في خدمة ذوي القربى”. وكما يُقال فإنّ “البِرّ ليس فضيلة لاهوتية فحسب كالإيمان والرجاء وإنما هي الفضيلة الأم وروح الفضائل الأخرى”.

اما في الدين الإسلامي فإنّ الإحسان هو صفة المؤمنين الذين ينعتهم الله في القرآن الكريم بأنهم “يسارعون في الخيرات وهم لها سابقون” (المؤمنون، 61) ويضع الإسلام الإحسان في درجة أعلى من درجة الإسلام وحتى من درجة الإيمان. إنّ كلمة الإحسان ومشتقاتها مذكورة في القرآن الكريم أكثر من 70 مرة، كما يؤكد الإسلام أنّ أقرب الناس إلى الله أنفعهم لخَلقِه.

وتجدر الإشارة إلى أن من طرق الإحسان الزكاة المفروضة المرتبطة بمفهوم التزكية، والصدقة المستحبة المتصلة بمفهوم الصدق. ومن الملفت للانتباه المعنَيَين المختلفَين لكلمتي “تسدقة” العبرية و”صدقة” العربية اللتين لهما نفس الجذر السامي، مما يؤكد العلاقة الوطيدة بين مفهوم العدل الذي هو قوام كل عمران ومفهوم الصدق الذي هو شرط صلاح عمل ابن آدم.

وإن كانت ترجمة روح التضامن على أرض الواقع واجبا فإنها أيضا حقّ للجميع.

فلا يحق لأحد احتكار العمل الإنساني، فردا كان أم وكالة حكومية أم منظمة خيرية. وليس بمقدور أحد التكفل وحده بمتطلبات العمل الإنساني. إنه حقا مجال التنافس والتكامل.

وعلى حد تعبير الكاتب البريطاني جورج أوروَل، كما أنه لا يمكن تسيير شؤون الإعلام من طرف “وزارة للحقيقة” بل بواسطة وسائل مستقلة للإعلام، وكما لا يمكن فرض المشاعر الإنسانية من طرف “وزارة للمحبة” بل هي ثمرة العلاقات الحرة بين البشر، فكذلك لا يُعقل أن نتصوّر أنّ العمل الخيري يمكن تسييره من طرف “وزارة للإحسان”.

ومن جهة أخرى لا يحق لأحد أن يحرّف معنى العمل الإنساني لأغراض كسبية أو سياسية.

لكن ماذا نلاحظ اليوم حولنا في العالم؟

الارتباط بين العمل العسكري والعمل الخيري الموظَّف لإغراض دعائية، والاستعمال السياسوي للعمل الإنساني وعدم الاعتراف للأشخاص والمنظمات بحقهم في هذا العمل.

ففي تلك الدولة تُمنع من العمل الخيري كل مؤسسة غير معتمدة من طرف النظام خشية أن يتسبب ذلك في تزايد شعبية المعارضة، بينما يتم ذلك الحظر في دولة أخرى تحت ضغوط خارجية وذريعة ما يسمى بـ”مناهضة الإرهاب”. ويُفضَّل ترك ضحايا الحروب ومنكوبي الزلازل والفيضانات لمصيرهم التعس، لأنّ الدولة (التي عادة ما تكون رديئة التسيير) عاجزة عن أن تحلّ مكان المجتمع المدني وأن تقوم بدوره في مجال العمل الخيري والإنساني.

ولكن هنالك أخطر من ذلك. إنّ العاملين في حقل العمل الإنساني الذين لا يرضخون لإرادة الأنظمة يُعرّضون أنفسهم لمخاطر حقيقية. أنهم مضطهدون، يُلقى عليهم القبض ويُعتقلون بصورة تعسفية ويُهددون بأسوأ المظالم.

إنّ هذا الأمر غير مقبول! وإنّ الأسرة البشرية بمجملها يجب أن تقاوم هذه الفضاعة. فمن الضروري والملحّ إقامة تضامن بين الأشخاص والمنظمات النشطة في مجال العمل الإنساني، خاصة بين منظمات الشمال ومنظمات الجنوب، وبين منظمات الشرق ومنظمات الغرب، من أجل التصدي لهذه الوضعية الحرجة.

أيها السادة والسيدات،

ليس هناك مكان لإنشاء وترقية شبكة للتضامن بين الجمعيات الإنسانية والخيرية أفضل من مدينة جينيف. إنّ جينيف هي مدينة السلام وحقوق الإنسان كما يشير إلى ذلك الوجود على ترابها للعديد من المنظمات الدولية وغير الحكومية التي تشتغل في مجال حماية كرامة وحقوق الإنسان وترقية السلم.

وتعدّ جينيف أيضا عاصمة العمل الإنساني وذلك منذ قيام هنري دينون (Henry Dunant) في النصف الثاني من القرن التاسع عشر للميلاد بإرساء أسس العمل الإنساني المعاصر. إنّ اللجنة الدولية للصليب الأحمر والفدرالية الدولية للصليب والهلال الأحمر والمفوضية السامية للاجئين التابعة لمنظمة الأمم المتحدة واتفاقيات جينيف وبروتوكولاتها الإضافية وكذا كافة إجراءات القانون الإنساني الدولي، تمثل رموز أمل بالنسبة للنساء والرجال الذين يعيشون تحت وطأة المعاناة.

نتمنى أيها السادة والسيدات كل النجاح لمؤتمرنا هذا الذي سيكون بلا شك محلّ نقاشات ثرية وتتمخض عنه قرارات مفيدة لوضع وسائل وآليات فعالة لحماية كل الذين سخروا حياتهم للعمل الإنساني النبيل.

وفي الأخير اسمحوا لي أيها السادة والسيدات باستغلال هذه الفرصة لأقترح على جمعكم الموقّر بتذكر كل المضطهدين في العالم خاصة منهم العاملين في الحقل الإنساني، القابعين في سجون الظلم في دوَل اللاقانون. ولا تفوتني الإشارة إلى أختَينا الإيطاليتين سيمونة توريتا وسيمونة باري اللتين اختُطِفتا في العراق.

شكرا على حسن إصغائكم.

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