Séculiers et islamistes autour de la condition des femmes au Maroc
Promotion de la participation politique inclusive
Qui sommes-nous?
Le projet a été conjointement mené par le Cordoba Peace Institute – Geneva (CPI) et le Département fédéral des affaires étrangères suisse (DFAE). Le CPI œuvre dans le domaine de la transformation conflits, la promotion de la paix et la prévention de la violence. A partir de 2011, après la vague de soulèvements populaires à travers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, le CPI s’est concentrée sur l’accompagnement de ces pays confrontés à de profonds changements politiques et sociaux.
L’engagement DFAE dans la promotion de la paix répond à l’un des quatre objectifs principaux de la politique étrangère suisse, qui est la coexistence pacifique des peuples. Il se mobilise ainsi pour prévenir les conflits et régler les différends sur un mode pacifique dans de nombreux pays. Un de ses domaines d’expertise spécifiques est la transformation des conflits violents à dimension religieuse.
Contexte
Afrique du Nord, une des conséquences de la vague de soulèvements populaires de 2011 a été l’ouverture de l’espace politique à la population, parmi laquelle les acteurs à références religieuses. En Egypte, en Tunisie et au Maroc, les partis dits islamistes ont rapidement gagné une forte popularité. Outre les partis de tendance Frères musulmans, déjà connus, les salafis sont apparus comme des nouveaux acteurs politiques qui ont commencé à revendiquer leur droit à l’engagement politique.
Ce nouvel état des choses a très vite créé une polarisation au sein de la société entre les acteurs politiques à référence séculière et ceux d’inspiration islamiste.
Le Maroc a connu ces dernières années bon nombre de tensions entre séculiers et islamistes autour de cette question. Cette polarisation est particulièrement manifeste sur la question de la condition des femmes. En effet, la question de la condition des femmes se trouve à l’intersection entre le religieux et le politique de par le rôle central que jouent les femmes dans les familles, de par les différentes interprétations religieuses qui leur sont attachées et de par la définition même de leur rôle dans l’espace public. Les acteurs engagés pour cette cause sont profondément divisés, bien qu’ils soutiennent tous la nécessité d’œuvrer à l’amélioration de la condition des femmes. Cette polarisation fait ainsi obstacle à un travail constructif et efficace dans ce domaine.
Ces tensions sont très bien illustrées par les débats sur l’égalité en matière d’héritage, revendiquée par des associations et des personnalités essentiellement laïques et rejetée par des personnalités et des associations essentiellement islamistes.
Aproches et objectifs
Le projet a rassemblé des acteurs séculiers et islamistes engagés en faveur de l’amélioration de la condition des femmes avec pour objectif de dépasser les obstacles à la collaboration dus à leurs oppositions de principes. Ces acteurs, académiciens, chefs religieux, défenseurs des droits des femmes et acteurs de la société civile, ont ainsi cherché à établir un discours commun, basé sur la pratique, selon lequel chacun pouvait s’engager tout en respectant leurs différentes références et inspirations. Au sein de l’espace construit par ce projet, les acteurs ont discuté de sujets tels que les femmes et la religion, la violence à l’égard des femmes, droits des femmes dans la législation marocaine vs réalités sociales empiriques, égalité vs complémentarité hommes-femmes. Ces discussions générales ont permis aux acteurs de s’entendre les uns les autres, de découvrir les subtilités dans les différentes positions et d’identifier des intérêts qui les rapprochent, voire des points sur lesquels ils s’accordent, au-delà de leur différence. Ils ont également échangé sur leurs projets respectifs, identifiant ainsi des domaines d’action prioritaire partagés comme la condition des femmes dans les zones rurales, la question de l’analphabétisme et, plus généralement, le besoin de développer une éthique de l’espace public.
Résultats
Au fil des rencontres, l’atmosphère de méfiance a laissé sa place à un esprit de groupe soudé, esprit collaboratif et inclusif démontrant des manifestations de solidarité au- delà des différentes affiliations des participants. Les participants se sont dit très positivement surpris des changements dans leurs comportements. Pouvoir désormais aborder « l’autre », lui parler, le reconnaître comme interlocuteur, concitoyen et collaborateur dans la construction de sa société au-delà des différences fondamentales qui les séparent a été une expérience très forte pour eux.
Du point de vue de la transformation de conflit, les participants ont pu expérimenter une voie tierce dans le traitement d’un conflit qui n’est ni l’escalade des tensions jusqu’au recours à la violence ni le besoin de recourir à une solution imposée par un acteur tiers.
Motivés par cette expérience personnelle positive, les participants ont décidé de continuer leur collaboration afin de faire bénéficier un plus large public de ces changements. Ayant déjà organisé conjointement une table ronde publique sur l’éthique dans l’espace public, ils veulent poursuivre cette collaboration dans des activités cherchant à promouvoir les valeurs démocratiques.
Ce projet, mener entre 2016 et 2017, en tant que projet laboratoire par son approche inédite, a ainsi remporté un grand succès. Il est d’une haute importance en ce qu’il a permis de rassembler des acteurs qui se caractérisaient par de profondes oppositions dans leurs visions du monde. Les fondements de ce projet de promotion de la paix sont ainsi tout à fait pertinents et pourront être adaptés à d’autres contextes afin de réunir dans une même espace de vie et faire collaborer des personnes fortement antagonisées.