Renforcer la cohésion sociale en Irak

Renforcer la cohésion sociale en Irak

par Ali Al-Ahmad

CPI travaille en Irak depuis 2017 sur deux questions clés : a) le droit de connaître le sort des personnes disparues, et b) la réintégration et la cohésion sociales, en particulier pour les réfugiés qui retournent en Irak après avoir cherché refuge à l’étranger pendant l’ère de Daech. Un rapport sur les activités de CPI en Irak est maintenant disponible.

Le rapport commence par un historique décrivant le contexte politique et les causes du conflit sectaire en Irak, avec une attention particulière aux régions de Samarra, gouvernorat de Salaheddin, et de Talafar, gouvernorat de Ninive, les principaux lieux géographiques du travail de CPI. Il aborde ensuite le développement de plusieurs projets menés par CPI, issus de sa Plateforme Moyen-Orient, créée en 2015. Ces différentes initiatives ont abouti aux projets axés sur l’Irak menés depuis 2017 et soutenus par le Département fédéral suisse des affaires étrangères (DFAE), la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) et le ministère fédéral allemand des affaires étrangères (FFO).

La question des personnes disparues en Irak est un fardeau important pour le pays et un obstacle à la réconciliation et à la cohésion sociale au-delà du clivage sectaire. Pour résoudre ce problème, CPI a mené deux projets au cours des six dernières années. Après une exploration approfondie et la création d’un réseau avec des acteurs politiques et religieux en 2017, un projet pilote a été lancé à Samarra (financé par le DFAE suisse), afin d’encourager la cohésion sociale dans cette ville fortement polarisée, siège de l’un des plus importants sanctuaires chiites, avec une population à majorité sunnite. Elle a été au centre de tensions sectaires pendant de nombreuses années, et le bombardement du sanctuaire en 2006 a marqué le début de la guerre civile. La question des personnes disparues parmi la population de la ville a rapidement fait l’objet de tensions. La coopération entre les autorités de la ville, les chefs tribaux et religieux et les forces de mobilisation populaire a donné lieu à un échange d’informations au niveau local et a également permis de comprendre l’ampleur du problème, non seulement à Samarra, mais aussi à l’échelle nationale. Cela a permis de réfléchir à la manière dont le problème pourrait être traité à l’échelle du pays. En 2020, un nouveau projet a donc été lancé, financé par le FFO allemand, avec la participation d’experts juridiques irakiens et le soutien des autorités religieuses (notamment la marja’iyyah de Najaf) et des acteurs politiques, dans le but d’élaborer une loi fédérale et un mécanisme donnant aux individus le droit d’obtenir des informations sur leurs proches disparus. Les lois concernées ont été rédigées en 2020 et 2021 et présentées lors d’une conférence organisée par le CPI à Najaf en décembre 2021, en présence de fonctionnaires, de dirigeants politiques et religieux et du public. Les lois ont depuis été adoptées par le gouvernement et fusionnées en une seule loi qui attend maintenant d’être débattue et approuvée par le Parlement avant d’être mise en œuvre.

L’autre objectif du travail de CPI au cours de cette période a été d’encourager le retour des réfugiés et les efforts de cohésion sociale entre ceux qui ont quitté le pays à différentes étapes de la période de l’ISIS et ceux qui sont restés. Ce projet s’est principalement déroulé dans la ville de Talafar, dans le gouvernorat de Ninive, qui compte une population majoritairement turkmène, dont beaucoup ont trouvé refuge à Ankara, en Turquie, lorsqu’ils ont été contraints de fuir soit pendant l’avancée de l’ISIS, soit pendant sa retraite. Talafar a subi de graves dommages pendant cette période, ainsi que des traumatismes infligés à sa population, et cette période de conflit a provoqué d’énormes niveaux de méfiance entre les différentes communautés, et entre ceux qui sont restés ou qui sont partis. Le projet initial de CPI en 2019-2020 (financé par la GIZ) concernait le secteur de l’éducation de Talafar et tentait de réconcilier les enseignants et les directeurs d’école, dont certains avaient enseigné sous le régime d’ISIS et d’autres l’avaient quitté. Différents facteurs ont alimenté la suspicion et la méfiance entre ces deux groupes, et l’objectif du projet était d’encourager la compréhension et la cohésion sociale, dans l’intérêt des enfants, des familles et de la population dans son ensemble. Ce projet a obtenu des résultats positifs, bien que les activités aient été entravées par la pandémie de COVID-19. Plus important encore, ce projet a démontré les défis de la cohésion sociale à Talafar, ainsi que la nécessité d’encourager le retour des réfugiés et d’assurer une réintégration adéquate et une coexistence positive au sein de la population dans son ensemble. Cela a conduit aux initiatives financées par le FFO allemand dans le cadre des phases du projet qui ont eu lieu depuis 2020, et qui ont abouti au retour d’un nombre important de réfugiés, à leur réintégration réussie, et au développement de toute une série d’initiatives de cohésion sociale. Celles-ci comprennent des activités culturelles, sportives et sociales, des ateliers pour les jeunes, les femmes et les familles, ainsi que des interactions avec le gouvernement, les chefs de tribus et d’autres dirigeants. Ces activités ont servi de modèle pour encourager la cohésion sociale en général, et CPI vise à reproduire cette approche dans d’autres villes. Une autre conséquence de cette approche sera de faciliter la réintégration dans les communautés des rapatriés des centres de détention transitoire (tels que le camp de Jed’a 1).

Grâce à son travail en Irak, CPI a identifié et relevé un certain nombre de défis et, en s’appuyant sur les enseignements tirés, entend continuer à accompagner les efforts de réconciliation et de cohésion sociale après le conflit. Ce travail est essentiel pour surmonter les traumatismes subis par les multiples communautés irakiennes et la méfiance engendrée par les dernières décennies de conflit. Les résultats des projets menés jusqu’à présent sont encourageants et permettent d’espérer que ces efforts peuvent conduire à un Irak plus stable et plus cohérent, capable de relever les défis des années à venir.

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