Colloque sur l’Algérie: Contributions – مشاركات

Colloque sur l’Algérie: Contributions – مشاركات

Contributions écrites et graphiques – مشاركات بيانية ومكتوبة
Me Ali-Yahia Abdennour, M. Brahim Younessi, Mouvement Rachad – حركة رشاد

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Faut-il changer de peuple ou de dirigeants ?
Me Ali-Yahia Abdennour
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Faut-il changer de peuple ou de dirigeants ?

Maître Ali Yahia Abdennour
Alger, le 22 novembre 2008

L’indépendance du pays a engendré des dirigeants qui ont confondu Etat, Nation et Société, socialisme et capitalisme d’Etat, socialisme national et national et socialisme, droit du peuple à disposer de lui-même, et droit de l’Etat à disposer du peuple. Les Algériens n’ont libéré leur pays, que pour se soumettre à une autre domination. Ce ne sont pas ceux qui se battent qui récoltent les lauriers, sauf à titre posthume. C’est le propre de toute révolution d’être détournée ou inachevée. Ceux qui n’arrivent pas à bloquer la locomotive prennent le train en marche.

Cinq Constitutions en 46 ans d’Indépendance

Le peuple algérien n’a pas le contrôle de son destin, subit la politique au lieu de la conduire. La vie politique est conçue avec un seul objectif, pérenniser le régime politique en place.

L’Algérie a eu de nombreuses constitutions, la 5eme avec celle qui vient d’être adoptée par le parlement, pour avoir leur respect et les règles de jeu qu’elles impliquent. Changer de constitution tous les 9 ou 10 ans, relève d’un excès qui n’honore pas la démocratie. Pour chaque nouveau président de la république, la constitution en vigueur est la cause première de tous les maux du pays. Il faut la changer, la réviser, l’amender. Les constitutions peu appliquées sont bafouées, révisées et usées avant d’avoir servi. Faut-il changer de peuple ou de dirigeants ?

Il y a violation de la constitution du 28 Novembre 1996, par le renforcement excessif du pouvoir personnel. Le sentiment d’être indispensable, irremplaçable, est inhérent à toute fonction d’autorité. Le président de la république n’a pas pris de distance avec l’ivresse du pouvoir, qui n’est pas une bonne conseillère, et n’a pas sur lui-même un regard extérieur. Il s’est assis sur les principes, car ils finissent toujours par céder. Le pouvoir qui a outrepassé son crédit politique, est maintenu au-delà de son utilité. Aucun ministre n’a démissionné, et aucun n’a été démissionné.

Le pouvoir s’incarne en un homme, qui a mis en hibernation toute forme de d’activité politique. L’Algérie est le pays d’un seul homme, son chef, monarque absolu, qui exerce un règne sans partage. Au fil des années le pouvoir s’est transformé en monarchie pour tout dominer, tout contrôler , tout régir, avec le concours de ses conseillers qui sont à son image et à sa dévotion, du gouvernement centre de gestion où siègent aux postes clefs ses inconditionnels, et de la haute administration tenue par ses fideles.

Un président de la république à la fois chef de l’exécutif, ministre de la défense, qui a fait du gouvernement l’annexe de la présidence, du parlement deux chambre d’enregistrement, de la justice son bras droit répressif, un outil à son service qui ne répond pas aux critères de la Constitution. La tendance à accumuler titres et fonctions, à s’octroyer des pouvoirs de plus en plus étendus, à intervenir dans tous les domaines de la vie publique, à nommer à tous les postes de responsabilité ses proches partisans, et à développer des rapports de type monarchique avec son entourage, le gouvernement et le parlement, n’est pas conforme à la constitution parlementaire dans sa lettre, mais présidentielle dans son esprit.

La nouvelle Constitution

Elle a entériné tous les pouvoirs que s’est approprié le président au cours de ses deux quinquennats, en contradiction de la constitution, et dans le silence si ce n’est l’approbation du Conseil Constitutionnel. La révision de la Constitution se traduit par l’octroi d’un pouvoir quasi absolu, inamovible, à vie au président. Elle fait de lui seul tout l’exécutif. Tout le pouvoir en osmose avec l’ultra libéralisme. Le présidentialisme, c’est l’édification du peuple avec celui qui le gouverne, le chemin assuré au renoncement des citoyens à exercer pleinement leurs droits.

La révision de la Constitution assure en droit une présidence à vie au président, qui ne veut pas de successeur de son vivant. Le parlement s’est enfoncé par ce vote dans un discrédit dont il aura du mal à se relever.

Lorsque l’histoire politique d’un homme est finie, quand son mandat légal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un nouveau chapitre : dix ans c’est assez, dix ans ça suffit.

« Changer de Constitution pour un seul homme, ne serait pas correct » a dit l’ancien président russe Wladimir Poutine.

Quel est le bilan des deux mandats du président ?

Une politique se juge à son efficacité, à ses résultats et non à ses intentions. Il faut démystifier le pouvoir, dénoncer les excès dont il est coutumier, analyser ses fautes et ses erreurs, ses causes et ses conséquences. Le peuple doit connaître l’état réel du pays. La crise économique et sociale se répète, se prolonge, s’en chaîne, s’amplifie et s’aggrave, la coupe est pleine, c’est le ras le bol, le pays bouge, se fracture, craque de partout, et la rue est le dernier recours lorsque toutes les possibilités de se faire entendre sont épuisées. L’Algérie est l’exemple d’une profonde injustice sociale : paupérisation de la population jusqu’à l’indigence, délitement du tissu social et familial, effondrement du système de santé.

La sécurité humaine concerne la pauvreté, la faiblesse du système d’éducation, et le manque de liberté. La politique néoconservatrice, ultralibérale du pouvoir ne peut qu’aboutir à une société duale, verticalement divisée, entre d’une part les nantis qui vivent bien, et d’autre part la majorité de la population, les chômeurs, les travailleurs, les retraités, les couches moyennes laminées, exaspérés par les conditions de vie qui leurs sont réservées, la régression brutale de leur niveau de vie. Il n’ya que deux formules de solidarité, le partage de la pauvreté, ou celui de la prospérité.

La corruption qui sévit à tous les niveaux et dans tous les domaines, est devenue un style de vie et de gouvernement. Tant que ce cancer ne sera pas vaincu, la santé morale du peuple est menacée.

La levée de l’état d’urgence en vigueur depuis plus de 16 ans, conditionne la libération du champ politique et médiatique, ainsi que l’exercice des libertés individuelles et collectives. La paix qui est le sens de notre réflexion et de notre action doit être traitée sous le seul angle qui n’a pas été abordé, celui de sa dimension politique et non sécuritaire. Ce n’est pas pour le moment la voie choisie mais elle mérite d’être explorée. La présence des Kamikazes pose un problème qui va bouleverser dans un proche avenir toute la stratégie sécuritaire du pouvoir. Le GSPC présent et actif sur le terrain, a la capacité de se renouveler du fait que des adolescents, des jeunes et des moins jeunes frappent aux portes des maquis.

L’occident, particulièrement l’Union Européenne, dit à nos dirigeants comme à ceux des pays du Sud ; dirigez vos pays comme il vous plait, en dictateurs, tirez sur la foule, torturez, emprisonnez, donnez vous à la corruption, truquez les élections comme il vous plait, interdisez ou restreignez les libertés syndicales, mais ouvrez vous largement aux investissements étrangers, et à la libre circulation des capitaux mais pas des hommes, et à la libre accumulation des profits.

Le président ne veut pas partir sur un échec, mais veut rester toute sa vie au pouvoir pour réaliser son programme quinquennal, Kaid Ahmed, ministre des finances et du plan après le coup d’Etat du 19 juin 1965 disait : le plan triennal sera réalisé, même dans 10 ans »

La souveraineté du dinar doit se traduire par l’arrêt de sa dégradation, le redressement de sa valeur, et par sa convertibilité. Le bon sens indique qu’une nation doit d’abord occuper réellement toutes les parties de son territoire, et cela signifie qu’elle doit les cultiver et les faire produire, car sa vraie richesse aussi bien que sa véritable santé, découle de ce qu’elle fait de sa terre et du rapport qu’elle a établi avec elle. L’autosuffisance alimentaire devient un objectif lointain, sinon hors d’atteinte.

La situation de l’Algérie à l’étranger s’affaiblit, et le premier objectif et de lui redonner sa place est son autorité, dans le monde.

Devant qui le président est responsable, et quelles sont les limites de son pouvoir ?

L’armée est aux commandes du pays, entend bien le rester, et n’a pas l’intention de renoncer à son statut de détentrice du pouvoir réel. Les coups d’Etat par les armes ou par les urnes, sont dans sa tradition. La philosophie du système politique en place, est que le président de la république choisi par les décideurs de l’armée, puis élu par un vote qui n’est qu’une simple formalité de confirmation, est placé durant son mandat sous leur haute surveillance, afin qu’il ne dévie pas de la mission qu’ils lui ont assignée, et qu’il ne lui reste plus selon la formule consacrée qu’à se soumettre ou se démettre.

Porté au pouvoir par les décideurs de l’armée, le président A.Bouteflika a fait des déclarations à géométrie variable, a dit dans la même forme une chose et son contraire. Il affirme son autonomie de décision par rapport au pouvoir réel, refuse d’être son otage et son exécutant. Y’a-t-il des divergences stratégiques au sommet de l’Etat ? Enfermer le pays dans un corset de fer, serait une erreur vite payée, par l’éclatement de l’armature elle-même.

Quelle peut être la crédibilité et la légitimité d’élections issues de la fraude ?

La fraude électorale bien intégrée dans les mœurs politiques du pays, est au rendez vous de toutes le sélections.

Les élections n’ont pas pour objet de choisir les dirigeants, car le choix se fait avant et ailleurs, mais seulement de tenter de les légitimer. L’Algérien ne peut avoir des droits la où il n’est pas élevé d’abord à la dignité de citoyen. Le plus grave n’est pas d’avoir des sujets, mais de les appeler citoyens. Aujourd’hui une nation de sujets est prête à devenir une nation de citoyens ; c’est la même pièce de théâtre politique qui est jouée à chaque élection, avec les mêmes acteurs, avec chaque fois un seul gagnant, le pouvoir. L’alternance est la seule protection possible contre les facilités et les tentations qu’entraine l’accoutumance au pouvoir. La dégradation politique et morale des institutions est due à son absence.

La maladie du président

C’est un domaine où le bluff psychologique et l’intoxication font partie de la règle de jeu. Les Algériens s’interrogent sur la maladie du président ? Pour certains d’entre eux il est très malade, inapte à assumer sa tâche, retenu pour un troisième mandat dans le seul but de préparer sa succession. A-t-il la capacité physique d’exercer pleinement sa fonction ? Quelles sont les raisons du secret, du mystère qui entoure sa maladie ? Et toujours ces bruits, ces doutes, et en guise de réplique des démentis. La confiance du président dans son énergie, sa vigueur, dans ses facultés intellectuelles, constitue une réaction naturelle, humaine. Pour ses fans, ses admirateurs, très nombreux qui n’attendent que son signal, pour le suppléer de se sacrifier pour un troisième mandat, il est vif, en très bonne forme, et se trouve dans une remarquable condition physique et intellectuelle. Le président peut dire comme l’ancien roi d’Espagne : « il n’y’a pas d’abus de pouvoir en ce pays, il n’y’a que des abus d’obéissance ». Fidel Castro a renoncé à exercer sa fonction parce qu’il est malade.
 
Où en est l’Algérie qui accélère sa descente au purgatoire ? Que deviendra-t-elle dans les quatre mois à venir ? Quelle solution de rechange politique, qu’elle alternative ? Le jeu politique est verrouillé. Le système politique centralisé qui est à sa fin, est négateur des libertés. Il faut un changement radical dans le style et la méthode de gestion du pays, pour mettre un terme à la dégradation politique et morale des institutions, corrodées depuis 10 ans pas les clans du pouvoir, qui ne sont qu’une forme de tribalisme, qui ne reconnait que les intérêts de ses membres. Après une décennie d’un pouvoir politique totalitaire qui ne cesse de se renforcer, la souveraineté nationale et la citoyenneté, la liberté et la justice, car il n’y’a pas de liberté sans justice, ni de justice sans liberté, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la volonté de doter la fonction présidentielle de sa signification démocratique sans en diminuer la prééminence, de rendre au gouvernement ses prérogatives, de restituer au parlement ses pouvoirs et sa dignité, et à la justice son indépendance, sont le programme commun de l’opposition.

Il faut prendre le temps de réfléchir pour avancer dans la bonne direction, du fait que la politique a créée de par sa nature et son rôle, de vives tentions et des divisions entre les différents courants politiques, sociaux et culturels. La pensée politique n’est pas encore soucieuse de rigueur et de cohérence, n’incarne pas encore l’esprit de synthèse et de concorde, pour que les bombes à retardement ne contribuent pas à fragiliser l’avenir. Les contradictions existent, il faut les aborder de front sans biaiser avec la réalité. Il faut rester à l’écoute des pulsions de la société.

L’opposition va devoir épouser les problèmes, car elle n’aura d’audience et d’autorité que si elle offre des solutions, que si elle surmonte ses divergences, que si elle demeure unie, parle le même langage, que si elle est déterminée dans son ensemble et dans chacune de ses composantes, à définir les objectifs à atteindre et les méthodes qui permettront d’y parvenir. Elle doit se garder de deux dangers qui la menacent, le sectarisme et l’exclusion.

Il faut exclure l’exclusion, et être intolérant avec l’intolérance.

La démarcation se fait entre les démocrates et les faux démocrates, les républicains et les faux républicains, les islamiques et les faux islamiques. Le prix à payer pour une société de liberté et de justice, pluraliste, est l’apport de chacune et de chacun à ce foisonnement d’idées, d’initiatives, de propositions, d’expressions divergentes et contradictoires, qui libéreront les énergies de millions d’hommes et de femmes que le pouvoir actuel condamne à l’impuissance. C’est ensemble qu’on peut faire basculer l’opinion publique, et ouvrir un espace de liberté dans les quatre mois à venir qui seront riches en événements, avec la volonté et la capacité d’agir en toute confiance et respect mutuel, afin que le peuple devienne le chef du futur. Il faut laisser dans un premier temps, les courants politiques, sociaux, culturels, les personnalités, les militants, s’exprimer, faire entendre leurs convictions et leurs idées. Il faudra ensuite coordonner toutes ces voix et écrits, en faire la synthèse, pour dégager les conditions du renouveau politique, et lancer un appel, pour rassembler les forces et les moyens du succès.

Un tel appel n’appartient pas à ses initiateurs, il appartient à ceux et à celles qui sur leurs lieux de travail, le reprennent à leur compte, et décident eux-mêmes de son utilisation, et de son adaptation. Celui qu’ils attendent et qui les attend pour agir ensemble, est peut être près d’eux. La transparence et la concertation dans l’élaboration de la prise de décision est une impulsion politique décisive.

Pour gagner il ne suffit pas de savoir se battre, il faut aussi et surtout se préparer d’abord, choisir ensuite soigneusement le lieu et le moment de l’action, de la confrontation politique. Quand il n’ya pas d’adhésion du peuple au pouvoir, il y’a résistance active mais aussi résistance passive, plus grave par le force d’inertie.

« Vous faites semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler »

Ont dit les travailleurs de Roumanie à Ceausescu.

L’analyse du mécanisme par lequel le pouvoir a été subtilisé au peuple, proclamé souverain par toutes les constitutions, a été faite un grand nombre de fois. La prochaine élection présidentielle posera un sérieux problème, car dans la mémoire collective des Algériens, le souvenir des fraudes électorales est encore vivace. L’élection est close quant à se résultats avant d’avoir commencée. Le scrutin comme d’habitude passera au mieux pour une formalité, au pire pour une farce électorale. Le chemin de la liberté n’est pas celui de la participation à des élections truquées, mais celui de l’abstention, du boycott, qui est une arme politique efficace.
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Le changement est inévitable
M. Brahim Younessi
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Le changement est inévitable

Brahim Younessi
13 novembre 2008

Cette communication devait être prononcée au colloque que la Fondation Cordoue a organisé du 13 au 15 novembre à Genève sur les « Perspectives de changement politique en Algérie »

Le changement désigne le passage d’un état vers un autre état. Les physiciens connaissent bien ce phénomène notamment en thermodynamique qui développe une image évolutive de l’univers. Les sciences sociales ont tenté de récupérer avec plus ou moins de bonheur les concepts d’enthalpie et d’entropie produit par cette branche de la physique pour tenter d’expliquer par l’effet du principe d’entropie la dégradation naturelle qui touche indubitablement les systèmes sociaux. Et face au chaos généré notamment par le temps, au désordre, la néguentropie, principe d’organisation du système, devient une nécessité pour produire de la cohésion et de l’ordre raisonnable fondé essentiellement sur les valeurs.

La sociologie s’est, quant à elle, donnée pour tâche fondamentale d’énoncer les lois du changement social. La loi des trois états d’Auguste Comte est connue de tous. Pour le philosophe positiviste, le changement est nécessairement une évolution, un progrès caractérisé par le passage de l’état théologique à l’état métaphysique puis à l’état positif qui correspond à l’âge de la science.

On ne peut expliquer autrement le changement que par la transformation ou la modification d’une chose, d’une situation, d’une personne, d’une société etc…

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », disait le chimiste français Antoine Lavoisier. Et toute transformation, l’enthalpie de changement d’état, comme disent les physiciens, a besoin d’énergie et d’action pour se réaliser.

Pour rassurer tout le monde, je ne vise pas ici la révolution qui caractérise généralement un changement brutal et brusque de l’ordre établi. Mais l’on peut parler de révolution dès lors que se produit un changement profond, radical des structures politiques et sociales d’un Etat. Et c’est ce qui nous intéresse ici. Le choix du sujet de ce colloque est, me semble-t-il, assez éloquent parce qu’il traduit par le premier terme de son intitulé : « Perspectives de changement politique en Algérie » l’optimisme des organisateurs de cette rencontre à atteindre le changement, certes éloigné mais probable. Sans certitude, mais le changement a des chances de se produire. Edgar Morin dit qu’un « observateur impartial qui est dans un temps et dans un lieu, et qui dispose de bonnes informations sur le passé et les processus en cours du présent, peut projeter dans l’avenir ce qui lui semble probable. » L’absence de certitude laisse place dans le probable à l’aléatoire, au hasard alors que la nécessité et l’urgence exigent le changement. Le principe d’entropie aussi. Et en raison de ce principe, le système ne peut se transformer de lui-même, il ne peut pas changer alors qu’il faut absolument qu’il change. Nous savons que le changement ne se décrète pas, il faut donc l’aider à se produire, à se réaliser. Alors, comment l’aider et quels moyens utiliser ?  Je m’empresse de dire, ici, avant de tenter une réponse, que nous avons du changement une conception forcément positive, bienfaitrice, libératrice ; nous voulons, en effet, transformer la société, changer une situation que nous jugeons mauvaise par une autre qui nous semble ou que nous croyons meilleure. Cependant, nous n’ignorons pas que le changement peut aussi avoir des effets néfastes, il peut être, dans son sens négatif, compris comme une altération, une inconstance, un avatar qui est quand même un événement fâcheux…

C’est dire toute la prudence que nous mettons pour parler du changement, bien que celui-ci, et nous le savons, procure souvent des avantages contrairement au statu quo qui profite presque toujours à l’ordre établi, à ceux qui résistent au changement. Et la résistance au changement, lorsque celle-ci vient des forces sociales, est souvent motivée par la peur de l’insécurité, la méfiance et surtout l’incertitude et l’inconnu. Le changement est presque toujours considéré comme hasardeux, les conservatismes, les habitudes et les intérêts pèsent énormément dans le choix de résister à toute transformation. Comme disait Jean Monnet, « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. »

Or, la crise est là. L’Algérie la vit depuis fort longtemps. L’échec au milieu des années 1970 du projet de modernisation de l’économie par industrialisation accélérée avait déjà entrouvert la porte du changement, sinon à une période de transition que le pouvoir a vite fait de refermer pour cause de menace à nos frontières avec l’affaire du Sahara Occidental.

Rendu, potentiellement possible d’avoir lieu, le changement attend encore son heure malgré les nombreuses convulsions qui ont agité le pays. Une succession de troubles politiques majeurs (1980 Kabylie, 1986 Constantine, Sétif, 1988 tout le pays s’embrase, 1992 début de la violence) n’ont pas eu raison d’un pouvoir autiste d’accompagner le changement dont il sait pourtant que la nécessité finira, à court ou moyen terme, par l’imposer. La brèche ouverte en février 1989 n’a pas fondamentalement changé la matrice du pouvoir qui continue de contrôler toutes les ressources et d’utiliser tous les moyens, y compris la force armée, comme en octobre 1988, pour assurer son maintien à la tête de l’Etat.

Le passage d’une société d’autorité à une société de libertés a du mal à se faire sans heurts, sans violence et sans drame. A chaque fois que le pays s’est approché d’un changement pacifique du système, le pouvoir dans toutes ses composantes a choisi la confrontation pour répondre aux velléités démocratiques de la société. Le pire de la politique est la politique du pire, source de chaos et de désordre, menée par un pouvoir qui se trouve face à des contestations sociales en gestation à cause, curieux retournement de situation, de l’embellie financière du pays procurée par l’extraordinaire et incroyable flambée des prix des hydrocarbures. Paradoxalement, cette aisance financière marque l’évanescence de l’Etat et l’absence de toute politique publique face aux attentes et aux multiples demandes de la société. L’accumulation des problèmes à la fois

– d’ordre politique, le verrouillage de cette ressource pose indéniablement la question lancinante de l’exercice de la volonté populaire que le président de la République vient de bafouer en procédant à la révision de la Constitution qui lui donne désormais le droit de briguer un troisième mandat,

– d’ordre économique, cette ressource est livrée à l’incohérence, à l’anarchie et au désordre, chacun, ici, connaît les performances négatives et régressives de l’économie algérienne que ternit l’image de ces « harraga » qui fuient le chômage et la misère,

– d’ordre social, cette ressource est porteuse d’explosion, c’est une poudrière qui peut prendre feu à tout moment, les manifestations syndicales se multiplient, les jeunes qui ne tentent pas l’aventure de la mer crient leur désespoir et se retrouvent souvent condamnés pour « trouble à l’ordre public » à des peines de prison, toutes les catégories socioprofessionnelles souffrent de la faiblesse de leur pouvoir d’achat,

– d’ordre culturel, cette ressource est tout aussi bloquée, la quête d’identité des Algériens est toujours prégnante, elle n’a pas perdu de son acuité, elle peut servir de détonateur aux autres ressources, caractérise l’évolution entropique du système qui devient de plus en plus instable du fait de l’état de délabrement du pays et du désordre qui y règne.

Alors, je reviens à mon interrogation, comment l’aider à changer et quels moyens utiliser ? La construction d’une opposition crédible, sérieuse, travailleuse, me semble être un moyen, je n’ai pas dit le seul moyen, de rendre le changement non seulement possible mais inévitable.
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